"
On allait à haricot ", c'était une expression que
j'entendais souvent à la période des vacances scolaires.
Dès 9 ans j'ai commencé à aller cueillir des
haricots avec mon frère Joël dans les champs, toute la
campagne y était bien organisée.
Il y avait d'abord le grand chef des cueilleurs, qui était
à mon époque Marc C, il avait en charge la responsabilité
de plusieurs bandes, une bande était
généralement constituer de personnes d'un même
bourg ou village ; autant que je m'en souvient, j'appartenais à
la bande " à Yvette ", il y avait également
d'autres bandes dans les villages environnants.
La bande que j'ai le plus connu était la bande d'Ardres que
nous appelions " la bande des femmes d'Ardres ", qui était
essentiellement composée de femmes qui venaient pour la plupart
de Bois en Ardres.
En fait, quand j'ai démarré à l'age de 9 ans,
je me faisais assez souvent disputer, soit pour avoir trop traîné
le cageot entre les routes, soit pour avoir arraché trop de
pieds au moment de la cueille sur pied, soit pour avoir cueilli des
haricots trop petits ou d'en laisser des gros, mais au fil des années
le travail était de mieux en mieux fait et cela Marc ou Yvette
savaient nous en faire la remarque.
Une équipe des meilleurs cueilleurs avait été
constituée ; c'est ainsi que vers l'age de 17 ans, mon frère
et moi ainsi que d'autres et notamment des "femmes d'Ardres "
formèrent cette équipe. C'était dans la plupart
des cas très intéressant, mais aussi quelques fois très
contraignant.
Je me souviens, une fois nous avons du nous lever à 3 heures
du matin, pour partir cueillir une pièce de haricots de qualité
exceptionnelle et nous devions après la cueille, les trier,
c'était beaucoup de travail mais nous étions payés
3 fois plus et la pesée se faisait au kilo alors qu'ordinairement
la pesée se faisait par sacs de 20 kilos, cela correspondait
à 3 cageots à mute.
Pendant bien des années, le transport des cueilleurs se faisait
avec des camions souvent bâchés, mais pas toujours aménagés,
puis après nous avons eu des vieux autobus. Les repas étaient
individuels, les uns apportaient leur casse-croûte, les autres
une gamelle froide et beaucoup avaient le thermos contenant le plus
souvent de la soupe ou du café.
Nous étions au travail par tous les temps et le midi, il nous
arrivait de manger debout contre un arbre pour tenter de nous protéger
de la pluie car le camion ou le bus ne restait pas toujours là.
J'ai 56 ans maintenant et je me rends compte combien cela devait être
pénible comme travaille pour les anciens qui faisaient la campagne
car le dos en prenait un sacrè coup.
Quand la saison se terminait on faisait carriole ; On mettait tous
à la masse, soit on donnait chacun une somme convenue, ou on
donnait l'équivalent en haricots. Avec cet argent ainsi récolté,
on achetait des boissons , des biscuits, puis on décorait le
camion ou le bus avec des pieds de haricots et à la fin de
la journée on buvait un verre, un verre ! C'est une façon
de parler car plus d'un avait commencé avant et rentraient
chez eux à quatre pattes. C'était
très souvent dur mais j'en garde un très bon souvenir,
c'est une partie de mon enfance et généralement tout
se passait dans une très bonne ambiance.
Alain octobre 2002
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